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Lily, Sex Education : Le nouveau visage du vaginisme.

Dernière mise à jour : 23 févr. 2023

Netflix a représenté pour la première fois le vaginisme à l’écran (du moins j’ai trouvé aucune archive antérieure sur le sujet) à travers le personnage de Lily dans la série Sex Education de Laurie Nunn. On aurait pu s’attendre à ce que cette première représentation soit un fiasco : le vaginisme est un trouble peu connu, souvent mal compris et mal diagnostiqué par les professionnels de santé. Et pourtant ça n’a pas été le cas. Les scénaristes ont construit le nouveau visage du vaginisme en écoutant les concerné.e.s et en se libérant d’un certain nombre de clichés. Peut-être que c’est grâce à ça que certain.e.s d’entre vous ont prononcé pour la première fois le mot vaginisme. Épisode 8 saison 1 : « Le corps de Lily la trahit. » La série a particulièrement bien représenté les émotions traversées par les personnes qui découvrent leur vaginisme. Pour te (re)mettre dans le contexte, après l’avoir cherché durant plusieurs épisodes, Lily a enfin trouvé un partenaire pour avoir un rapport sexuel. Au moment d’y aller, elle a mal, elle tente de réessayer, elle a mal à nouveau et demande donc à son partenaire de se retirer. Il lui demande, étonné, pourquoi ça ne rentre pas. Elle n’en a pas la moindre idée. « C’est comme-ci ma chatte était verrouillée. » Ce qui est intéressant dans cette scène c’est que d’emblée la douleur est représentée. Certain.e.s gynécos et sages-femmes affirment encore aujourd’hui que le vaginisme ne fait pas mal, que c’est un simple blocage. Or forcer le blocage est, de fait, douloureux. Très vite, l’incompréhension cède face à la colère. « My stupid vagina » (je le mets en anglais parce qu’en vf les termes sont moins évocateurs). Beaucoup de personnes qui souffrent de vaginisme éprouvent du ressentiment à l’égard de leur propre corps. Elles ne le comprennent pas, elles ont l’impression qu’il leur échappe. Elles se sentent trahies. « My vagina has betrayed me » En psychologie sociale, j’ai étudié la vision de Fischer sur la santé et la maladie. Pour résumer grossièrement, la santé c’est le moment où vie psychique et fonctionnement biologique sont interdépendants. Avec le vaginisme, on sort de cette santé : le corps ne répond plus aux volontés conscientes de l’individu. C’est cette rupture du lien qui cause le sentiment de trahison. Et la trahison laisse place à la culpabilité, la honte, la remise en question… Ce que Lily a bien résumé par une réplique :« Pourquoi ça m’arrive à moi ? »


Les causes : "J'ai peur de perdre le contrôle". Cette question, la série y répond avec une position originale. J’ai déjà fait un article sur le sujet mais le vaginisme peut être lié à la pression à passer à l’acte. Si on définit traditionnellement le vaginisme comme une peur de la pénétration, dans la série le personnage d’Otis s’y oppose : « Je crois pas que t’aies peur de faire l’amour. C’est te laisser aller qui te fait peur. » Les attentes, la peur de perdre le contrôle, c’est ça qui produit le vaginisme de Lily. Elle n’a pas reçu une éducation spécialement restrictive ou moralisatrice sur la sexualité. Elle n’a pas de conflit interne avec son père. Elle n’a pas été traumatisée dans son enfance. Au contraire, elle voit le sexe comme quelque chose de positif ou du moins de désirable. Elle est très portée sur la chose et c’est la pression qu’elle se met pour y accéder qui finit par la bloquer : « Je me dis juste que si je ne le fais pas avant à la fin du lycée je serais encore vierge, en retard sur tout le monde. » Lors de sa première tentative, elle a choisi le décor, les vêtements, le partenaire, l’enchaînement : « Tout était absolument parfait. » Or la sexualité c’est aussi se laisser aller, être vulnérable. Ça peut faire peur de perdre la maîtrise de ce qui se passe. On ne contrôle ni ses ressentis, ni l’effet qu’on produit : « Peut-être qu’inconsciemment tu te mets des bâtons dans les roues, c’est une façon de garder le contrôle. »


La guérison. Le traitement du vaginisme de Lily est lui plus controversé. A la fin de la saison 1, Lily se lance en vélo dans une pente. Cet acte représente métaphoriquement son lâcher prise : elle ne contrôle pas complètement son corps dans la descente comme dans le rapport sexuel. L’image est belle mais le vaginisme est, dans la vie réelle, plus difficile à soigner. Cette idée de lâcher prise est souvent répétée à tords et à travers quand on parle de la sexualité des femmes. Lâcher prise n’a rien d’évident et n’est pas toujours souhaitable. Il faut attendre les saisons suivantes pour que Lily se lance réellement dans sa guérison. Pour ça, elle utilise avec sa partenaire les dilatateurs. Comme ce n’est pas le personnage principal et que chaque épisode est dédié à une problématique, le vaginisme est rapidement évacué. Le personnage de Lily ne souffre pas quotidiennement de son vaginisme. Si son parcours peut paraître un peu aseptisé et rapide, je pense que c’est utile de mettre en scène positivement la guérison du vaginisme. D’une part, parce que ça donne de l’espoir. D’autre part, parce que la souffrance n’est pas essentielle. On n’est pas obligé de douter de soi, d’en vouloir à son corps. On peut aborder son vaginisme sereinement. C’est loin d’être évident mais c’est une possibilité. So, on retient quoi ? Lily est le nouveau (pour ne pas dire le premier) visage du vaginisme et elle est construite sur la reprise comme le rejet de certains codes et stéréotypes. Lily se met la pression, elle a peur de perdre le contrôle et elle ne comprend pas son propre corps. Mais de façon assez originale, c’est un personnage lgbt, ouvert sur la sexualité, qui n’a jamais eu de problème. C’est une figure à laquelle on peut s’identifier même si on ne partage pas son expérience. Se sentir compris.e, c’est une des étapes de la guérison psychologique. Alors si tu te sens seul.e ou qu’en ce début d’année c’est compliqué, je te conseille de (re)découvrir la série.

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