La différence entre un rapport concédé et voulu
- Maelle Bizet Sable
- 14 juil. 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 oct. 2021
« Je suis pressée, le mec dont j’ai habituellement envie veut qu’on fasse l’amour, le rapport se fait, et j’ai mal. J’ai mal durant tout le rapport, une chose plutôt rare et j’ai du mal à me l’expliquer. Il n’a pas employé la force contre moi, il ne m’a pas fait de chantage, la douleur n’est pas liée à son comportement. Ce n’est pas non plus un problème de manque de désir, je le désire souvent et beaucoup, mais simplement aujourd’hui j’avais d’autres choses en tête, des projets prévus et pas la tête à ça. Pourquoi cette fois-ci – plutôt qu’une autre – le sexe est devenu une source de douleurs ? »
Anonyme.
Qu’est-ce que la douleur veut me dire ?
Pour commencer à répondre, il faut partir de ce qu’est la douleur. La douleur, c’est la réaction provoquée par le système nerveux lorsqu’il veut signaler un problème et inciter à sa résolution. Pour prendre un exemple simple : lorsque je touche une casserole brûlante, je ressens une douleur à l’endroit où je me suis brulé, et cette douleur m’indique qu’il faut retirer l’objet. La douleur est la façon choisie par ton corps pour exprimer sa situation d’inconfort voire de danger.
Pendant un rapport sexuel, il y a mille raisons pour que la situation soit perçue comme inconfortable : Si l’endroit ne te plait pas, si tu ne te sens pas respectée, si les pratiques sont sources de malaise, ton corps peut se bloquer. Ce qu’il y a de difficile dans le vaginisme, c’est que la plupart des blocages sont inconscients. Tu as du mal à formuler le problème, et c’est souvent comme si tu ne le voyais pas. En réalité, le problème est assez simple : dans le cas de ce témoignage, la douleur semble venir d’une confusion entre rapport concédé et voulu.
Un rapport concédé, c’est quoi ?
Dans nos sociétés, il y a une distinction faite entre un acte sexuel consenti et un viol comme si la sexualité ne pouvait se limiter qu’à ces deux sphères. En réalité, il y a un panel de rapports possibles plus large et il est nécessaire de l’avoir en tête pour comprendre ses ressentis. On peut vouloir de façon totalement consciente un rapport sexuel sans que le corps ne manifeste cette même envie. On peut ressentir un désir physique sans vouloir que ce désir aboutisse à un rapport sexuel. Et parmi ces rapports qui ne se pensent pas dans la dichotomie consenti/forcé, il y a le rapport concédé.
Le rapport concédé c’est celui que tu accordes à ton partenaire parce qu’il en fait la demande. Dans les cas les plus graves, les personnes concernées ont le sentiment de se violer elles-mêmes. Dans la pratique, beaucoup de femmes et d’hommes ont déjà eu plusieurs rapports concédés par volonté de faire plaisir ou de satisfaire l’autre. Il arrive que le désir s’installe ensuite et que le rapport se déroule bien. Mais il arrive aussi, plus souvent, que les personnes sortent de ce rapport avec un sentiment d’inconfort qu’elles ont du mal à intellectualiser. Cette gêne tient à la quasi-absence du rapport concédé dans les discours sur la sexualité : soit on désire, soit on ne consent pas. Un rapport concédé n’est pas un viol, il y a bien un consentement mais pour autant on ne peut qualifier non plus ce rapport de voulu. C’est important de mettre des mots dessus pour le comprendre, le reconnaître et ainsi l’éviter.
Est-ce que je peux forcer mon corps à avoir envie ?
Si tu concèdes le rapport, c’est une action consciente de l’esprit que tu mets en place. Le physique peut alors ne pas suivre. Si tu le fais pour l’autre, ton inconscient peut impacter ton corps en réaffirmant ton non-désir. Il ne suffit pas de vouloir en avoir envie pour en avoir réellement envie. Un rapport concédé envoie donc deux informations opposées. Ton corps va manifester la contradiction entre ton non-désir intérieur et ta volonté consciente d’une façon ou d’une autre.
Pour la plupart des femmes, lorsqu’elles concèdent le rapport, elles ne mouillent simplement pas (en tout cas dans un premier temps). Cette sécheresse peut provoquer des tiraillements ou une absence de plaisir durant l’acte, ce qui est très inconfortable. Pour les femmes vaginiques, à cette sécheresse s’ajoute la contraction involontaire des muscles du périnée, qui aboutit à une douleur encore plus forte.
Faire l’amour pour l’autre et non pour soi, c’est faire taire son corps. Cet acte d’obligation est contraire au désir et une fois rentré dans cette logique, il est difficile d’en sortir : plus tu vas te forcer et considérer inconsciemment le rapport sexuel comme une charge, moins tu vas désirer et moins tu vas avoir de plaisir lors de ce rapport. Pour les femmes, cette réalisation est d’autant plus importante car du fait des injonctions sociétales, elles ont peur de frustrer leur partenaire.
Comment alors sortir de cette situation ? Ton désir n’est pas mécanique, il faut donc lui laisser du temps. L’absence de libido n’est pas synonyme d’échec, et au contraire une abstinence de temps en temps peut le raviver. Si tu as autre chose à faire, fais ces choses : ton partenaire peut et doit le comprendre. Vos relations ne seront que meilleures lorsqu’elles seront complètement voulues, désirées, choisies par vous deux.
Disclaimer : Je ne suis pas un professionnel de santé, et mes conseils ne sont que le fruit d’expériences et de réflexions personnelles qui ne substituent en rien à un suivi médical.

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